Auteur Sujet: Autour de la critique anarchiste : sélection  (Lu 4190 fois)

Jacques

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Autour de la critique anarchiste : sélection
« le: février 26, 2006, 10:37:40 am »
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«Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni titre, ni la science, ni la vertu»
On peut lire dans Idée générale de la révolution au XIXe siècle (1848), un ouvrage du théoricien socialiste et révolutionnaire Pierre Joseph Proudhon :

«Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni titre, ni la science, ni la vertu... Être gouverné, c'est être à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C'est sous prétexte d'utilité publique et au nom de l'intérêt général être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre réclamation, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale !»

Après l'avènement de la IIe République française en février 1848, la Proudhon est élu député. Mais la rue se soulève en juin contre le gouvernement et celui-ci riposte avec brutalité. A la tribune de l'Assemblée, Proudhon prend la défense des révoltés, ce qui lui vaut un blâme.

L'analyse anarchiste n'est jamais inintéressante. Elle est souvent sympathique, mais hélas elle n'est jamais suffisante.
Et ici le texte de Proudhon n'a guère de couleur socialiste, en tout cas rien du socialisme après le passage sur Terre de Karl Marx et de Friedrichs Engels. On catalogue usuellement Proudhon comme socialiste utopique.

Je n'ai jamais vu fonctionner une anarchie dans un orchestre, ni dans la conduite d'un navire.
Avoir su dans sa vie fonctionner parfois en joyeuse anarchie efficace, c'est toujours un souvenir inoubliable, mais cela ne se produit que rarement. Comme les grandes amours sont rares, et pour la même raison : l'engagement affectif personnel requis, n'est pas toujours possible, ni n'est souvent adapté aux malades ou aux pervers à qui on a un peu trop souvent affaire. Il est indispensable à ces leaders pluriels d'avoir pu établir entre eux des relations de confiance, sécurisante pour chacun.

L'analyse anarchiste n'intègre qu'un seul point de vue : celui des exploités. Je suis redevable à Michel Cornaton, notre professeur de psychosociale de DEUG, de nous avoir choisi de fécondes études de cas en TD. Je devrais pouvoir numériser et réexploiter en groupe de formation ce cas "Jacques", jeune chef d'atelier, de sensibilité visiblement de gauche, mais tellement proche de ses hommes qu'il se retrouve prisonnier des abus d'un d'entre eux, et incapable d'exercer l'autorité indispensable à son poste.

J'ai déjà conté (en format pdf sur mon site perso) le drame de Jean H. directeur d'usine mal parachuté sur une situation minée, qui n'a jamais été capable de licencier la secrétaire Nadia, devenue chèfe de la coalition des oppositionnels pour miner son autorité.

Le dépassement dialectique ? Je ne vais pas en faire le tour à moi seul, ni en seul bref article.

Un fil conducteur ? Par exemple ce journaliste, Nicholas Montsarrat, engagé volontaire dans la Royal Navy durant la seconde guerre mondiale, qui a écrit deux livres autobiographiques sur ce métier d'officier de marine, en guerre, puis cet inoubliable roman "La mer cruelle". Dans deux de ses livres, il consigne la même observation : la Navy vous forme constamment, au point qu'à chaque promotion, vous avez juste le sentiment de passer à la page suivante d'un livre que vous commenciez à bien connaître. La Navy sait former ses officiers tout en les utilisant à l'extrême limite de leurs forces. On l'a bien vu par exemple dans la poursuite du Scharnhorst jusqu'à la victoire dans la nuit Arctique.

Tandis que sous la fin de l'Ancien Régime, il suffisait d'acheter une compagnie, pour se retrouver capitaine, sans nécessairement avoir appris l'art du commandement ni la tactique.

Depuis l'avènement du Web, c'est pis encore : tu achètes un site, et tu te retrouves ouebmestre, dictateur à ta guise, sans jamais avoir rien appris de l'art de diriger, ni rien de l'institution dont tu te retrouves seul maître, libre, esclave de tes démons personnels, voire de tes bouffées délirantes. Sélection zéro, mais cela se retrouve dans un taux de mortalité énorme.

La critique anarchiste est intéressante, puisqu'elle met l'accent sur les vices du commandement, sur les carences de la sélection et de la formation des dirigeants.

Mais la sélection et la formation des dirigeants et animateurs reste indispensable, incontournable. C'est même une question de respect minimal envers les administrés, et envers tous les enfants, voire tous les incapables dont il faut prendre soin. Rien n'est un pire mépris social que de faire consul son cheval. On en voit le résultat, par exemple, à l'adresse http://www.p-a-p-a.org/html/modules/newbb/viewtopic.php?post_id=281&topic_id=56#forumpost281

Voilà un exemple sanglant des résultats de ce qu'il ne faut pas faire.
Le militantisme victimaire rend-il davantage fou, qu'il n'attire les déséquilibrés ? Ceux qui veulent devenir bourreaux ou bourrelles à leur tour ?
Je m'inquiète des antidotes...